HALLUX VALGUS IDEES RECUES

 HALLUX VALGUS

I  IDEES RECUES

En 2012, il est courant de citer des ordres de grandeurs de la présence de l’Hallux Valgus (HV) selon le sexe, l’âge et le style de chaussage.

L’âge et le sexe

Dans la littérature, les chiffres usuels sont de l’ordre de 5 à 10 % de la population, allant de 2 % chez l’enfant à 30 % chez le sujet âgé (1). Cependant je n’ai retrouvé aucune étude statistique pour vérifier cela. Ces chiffres sont repris d’année en année, toujours affirmés, jamais démontrés. Il s’agit plutôt d’une constatation subjective indiquant en fait que le pied se déforme dans le temps. La prédominance essentiellement féminine est, elle aussi, reprise d’année en année sans démonstration.

La seule réelle étude statistique est une étude paléopathologique du Dr Mafard (2)en 2006 portant sur l’analyse de 605 premiers métatarsiens provenant de la nécropole de la cathédrale Notre-Dame-du-Bourg  de Digne (Alpes-de-Haute-Provence,) datée du 5ème au 17ème siècle : « La prévalence de l’hallux valgus est comparable dans les deux sexes au Moyen âge et significativement plus forte chez les hommes aux 16ème-17ème siècles à la différence des populations occidentales actuelles où les femmes sont toujours les plus atteintes. » (sic). Ainsi, en France, les hommes ont été plus atteints que les femmes dans les siècles passés !

A mon humble niveau, l’analyse rétrospective de milliers de patients (45 % d’hommes, 55 % de femmes) de mon cabinet retrouve un taux similaire selon le sexe, grâce à la mesure systématique au goniomètre de l’angle de l’HV. En prenant en compte un angle supérieur à 15° chez l’adulte, je retrouve 27 % des hommes et 32 % des femmes scorés. Guère démonstratif pour accorder une prépondérance basée sur le sexe !

Le chaussage

Là encore de nombreuses assertions : la plus ancienne que j’ai retrouvé date de 1961, sous la plume du Dr Wallet (dans sa 2ème édition) (3) : « L’hallux valgus est dû sans conteste à l’introduction forcée d’un pied carré dans un soulier trop pointu ou trop court ».  Le seul dessin de chaussures illustrant son ouvrage est une chaussure de femme à talon : double assertion en une !

L’étude de Mafard (2) émet une hypothèse (partiellement discutable) sur le sujet : « Cette augmentation de la prévalence des lésions d’hallux valgus au cours des siècles pourrait s’expliquer par l’évolution du mode de chaussage avec le port par les hommes à la période pré-moderne de souliers et de bottes en cuir rigide avec des talons. Cependant, la prévalence dans ces périodes historiques chez les sujets âgés reste inférieure à celle des populations occidentales actuelles, montrant que le chaussage moderne est encore plus délétère pour l’avant-pied en particulier chez les femmes. »

Pourtant, en 2005, le Dr Assal dans une revue médicale suisse (4) indique : « Longtemps incriminé comme agent causal de l’Hallux valgus, la chaussure à talon avec un avant étroit ne joue probablement pas le rôle central qui lui a été attribué. En effet des incidences comparables ont été trouvées dans des populations non chaussées et dans des populations où prévaut la chaussure à talon. ». « …les facteurs héréditaires jouent probablement un rôle prédéterminant ; … une transmission de l’ordre de 75 % ».

 

Enfin, en 2011, le Dr Goldcher(5) complète cette proposition : « La nocivité du bout pointu et du talon haut sont des idées reçues ». Cette affirmation très claire doit se comprendre grâce à la calcéologie que nous allons traiter dans l’éducation du patient.