orthèses plantaires et l’enfant

ORTHESES PLANTAIRES ET L’ENFANT

 1 Le pied est un support de charge.

Plus encore que la croissance, c’est l’apprentissage de la marche qui prédomine (entre 9 et 18 mois d’apprentissage contre quelques heures à quelques jours pour les autres mammifères), avec une station debout semblable à un pendule inversé et un déplacement en 3D merveilleusement coordonné dans l’espace et le temps.Pour cela, le sommet de l’Arche, c’est le talus (astragale), sans insertion musculaire, enchâssé dans la mortaise, uni par des éléments capsulo-ligamentaires, d’une stabilité purement passive mais grand distributeur de la charge. Le pied est organe de départ et d’arrivée de la charge capable de transmettre les incidences du sol au corps pour parvenir à l’équilibre (1).

2 Passion et médecine

Il est peu dire que, à la différence de la podologie du sujet âgé, aucun consensus ne règne dans le pied plat de l’enfant dans les traitements orthétiques, kinésithérapiques ou chirurgicaux. Le scepticisme est roi plutôt dans le corps médical pédiatrique (2), l’optimisme béat est plutôt dans le corps des « chaussants et orthésants ».

Les auteurs soulignent (2, 3, 4, 5, 6, 7) :

  • soit qu’il y a amélioration sans pouvoir quantifier ce qui est dù aux orthèses;
  • soit que cela satisfait le port de chaussures qui sont beaucoup moins déformées ;
  • soit que les orthèses améliorent la fonctionnalité du pied ;
  • soit que la déformation est définitivement acquise et pourra être traitée orthétiquement à l’âge adulte ;
  • soit que le surmenage arthrosique douloureux vers 40-50 ans justifie une prise en charge chez l’enfant (Schnepp in Podologie 1997 p. 137) ;
  • soit que la chirurgie est rarement mise en pratique même si elle est bien tolérée et ne concerne qu’un nombre très restreint de cas ;
  • soit que les enfants répètent le morphotype de leurs parents tout comme dans les antétorsions fémorales ou les torsions tibiales externes ou internes, etc…

Méary, en 1969, considérant que 35 % des enfants conservaient une déformation modérée à importante en fin de croissance, préconisait la croissance pour améliorer un pied plat.

Mais vingt ans plus tard :

  • le Pr Delagoutte (2) observe qu’une orthèse permet une accélération bénéfique du potentiel de creusement du cavus, et qu’elle est capitale dans le pied plat statique de l’enfant ;
  • le Dr Thémar-Noël (4) indique qu’elle agit comme un bon antalgique en cas de pied plat synostosique et qu’elle s’associe à des massages dans la prise en charge initiale des pieds plats contracturés de l’adolescent ;
  • le Pr Seringe (7) considère que l’important est la vitesse de l’amélioration variable selon les enfants : plus elle sera lente, moins la correction sera complète car l’ossification du squelette tarsien est alors influencée par la persistance de la déformation statique ;
  • Enfin, pour Noviel et Lavigne (8), on ne peut isoler, en parlant du valgus, le seul « calcanéum », il faut au contraire l’associer étroitement, d’une part au talus, et d’autre part au médiopied, tous deux secondairement perturbés par la malposition calcanéenne. Ainsi semble-t-il plus exact de prendre globalement en compte le complexe anatomique qu’est le « médio-arrière-pied ».

 

3 La radiographie du pied en charge (9)

L’angle de l’arche interne ou angle Djiann-Annonier

C’est l’angle dont le sommet se situe à la partie inférieure de l’articulation talo-naviculaire, le côté postérieur passe par le point le plus déclive du calcanéus, le côté antérieur passe par le point le plus déclive des sésamoïdes du gros orteil. Cet angle fait environ 120 à 125 degré. Un angle plus grand répond à un pied plat, un angle plus petit définit un pied creux.

L’axe de Méary-Tomeno

C’est l’axe d’alignement du talus avec le premier métatarsien. Normalement l’axe du talus se poursuit par l’axe du premier métatarsien. Si l’angulation se fait avec un sommet supérieur, c’est un pied creux, si l’angulation se fait avec un sommet inférieur, c’est un pied plat. L’angle du calcanéus par rapport au plan d’appui est de 5° physiologiquement. Le valgus ou le varus du talon le modifie en plus ou en moins.

En théorie, ces 3 éléments radiographiques « objectifs » pourraient guider l’examinateur. Cependant, certains auteurs notent qu’il n’y a pas toujours un parallélisme entre l’importance de la déformation clinique, l’élargissement de l’empreinte plantaire en podoscopie et les modifications radiologiques (7).

 

4 Consultations podologiques

 La première cause de consultation podologique est soulevée par la famille et concerne une mauvaise démarche de l’enfant (10). Souvent également les parents ont, ou ont eu, des problèmes podologiques et demandent un avis. L’usure des chaussures est aussi mise en avant. Enfin, près d’un quart des consultations concernent une souffrance exprimée par l’enfant (entorses à répétition, douleur du talon, du  tendon d’Achille, de l’avant pied, de la jambe, etc …). Il a été constaté que la majorité des enfants présentait un valgus calcanéen avec prédominance de genu valgum.

Le pied « plat » est prédominant de prime abord (en-dessous de 3 ans on préférera le terme de « pied mou »), mais l’examen podoscopique montre plutôt un pied plat valgus, douloureux dans un quart des cas.

 

5 Examen podoscopique

Il est bon de compléter l’examen clinique par l’examen podoscopique (à miroir) permettant de renseigner plus efficacement sur l’emprise plantaire au sol, ainsi que la répartition de l’appui de l’avant, du médio- et de l’arrière-pied, et de vérifier la fonctionnalité du pied par l’étude des axes.

C’est ainsi que l’isthme apparaît, faisant disparaître les masses grasses, responsables de l’illusion d’un pied plat à l’examen clinique en décharge, mettant en évidence un valgus calcanéen déportant en dedans le poids du corps avec un doublement de la pression sur la colonne interne (tête du talus, naviculaire, métatarsiens I et II) et un allègement de la colonne externe (cuboïde, métatarsiens IV et V). La fonctionnalité du pied est alors perturbée, le retentissement sur les structures supérieures inévitables, l’enfant n’ayant pas encore une fixation de l’ensemble de ses chaînes musculaires et articulaires, avec une hyperlaxité naturelle péjorative pour la marche.

 Une des principales perturbations est la mise en valgum des genoux et l’instabilité du bassin à la marche. Ce sont d’ailleurs une des causes fréquentes de consultation.

 

6 Rôle des orthèses

 Disons que l’orthèse assiste le pied dans ses fonctions statiques et dynamiques. Elle est « le seul moyen réel et efficace de transformer de l’intérieur et partiellement une chaussure de série en un modèle sur mesure » (2). Ces propos, empruntés au Pr Delagoutte, prennent tout leur sens pour des pieds d’enfant et surtout d’adolescent si mal chaussés actuellement. Les orthèses sont incitatives, type Lelièvre, proprioceptives (reprogrammation sensori-motrice), dynamiques (amélioration de la bio-mécanique dynamique). Différentes évolutions peuvent expliquer les différences d’appréciation médicales et orthétiques.

 Les conclusions de Méary portaient sur l’analyse de traitements orthétiques des années 60 à une époque où les semelles Ledos et Lelièvre, sans être codifiées, étaient les seules techniques, le podographe le seul moyen d’examen et le moule de plâtre la seule technicité dans le moulage. Depuis, tout a changé avec l’arrivée de nouvelles techniques et technicités :

  • le podoscope à miroir et à éclairage tangentiel,
  • le podobaroscope électronique (mesure des pressions de plus en plus fine de l’ordre du 1/10è de millimètre carré),
  • les cabines de posturologie,
  • les matériaux thermoformants ou thermomoulants,
  • les preneurs d’empreinte sous vide, à 1 ou 2 plateaux superposés,
  • l’examen de la marche avec analyse de pression électronique (200 images /seconde) ou vidéo détaillant image par image les temps d’appui, …

Toutes ces nouveautés ont permis d’une part d’améliorer la qualité même des orthèses : le liège n’est plus (guère) employé, les orthèses sont lavables, imputrescibles, résistantes, de plus en plus fines. D’autre part, les corrections sont de plus en plus précises et évolutives, grâce à une analyse beaucoup plus fine de la statique et de la dynamique. Aussi, entre les conclusions de 1969 et les appréciations des années 2010, il est normal d’avoir une distanciation. C’est comme si on niait l’évolution de l’imagerie médicale en s’en tenant uniquement à l’analyse radiographique pour apprécier des traitements ou poser des diagnostics.

L’objectif de l’orthèse est :

  • de donner la meilleure fonctionnalité possible à un pied diminué,
  • de lui permettre de limiter la perturbation des étages musculaires ou articulaires supérieurs,
  • et de lui rendre sa place au sein des 3 centres d’équilibre : « pied-œil-oreille interne ».

 

7 Rôle des chaussures

 Première orthèse dont le rôle déclencheur, ou plutôt révélateur, est primordial. Pour certains, elle est la cause de tous les troubles, en oubliant que tous les pieds habillés de chaussures serrés ou à talon haut n’ont pas forcément de déformations, et que les déformations sont présentes aussi dans les pieds non chaussés. Pour d’autres, elle n’est qu’un objet peu essentiel dans la statique. Aussi n’est-il pas négligeable de rappeler quelles sont les 3 propriétés essentielles d’une bonne chaussure.

Premièrement, c’est un bon contrefort afin de stabiliser l’arrière-pied. Examiner la tige de la chaussure est le premier examen podologique : déformation en interne ou en externe selon le valgus ou le varus du talon.

Deuxièmement, elle doit avoir un bon cambrion afin de maintenir le pied dans le déroulement du pas et ne pas le faire tanguer dans l’axe de la marche.

Troisièmement, la flexion de l’avant ne doit pas être exagérée afin de protéger les articulations métatarsophalangiennes et aider à la propulsion.

Les corrections internes, type voûte ou appui rétrocapital, n’ont que peu d’importance pour un pied équilibré et très nettement insuffisantes sur un pied diminué. Les chaussures montantes n’ont pas trop d’intérêt en tant qu’orthèses. Les chaussures molles sont à prohiber (voir recommandations de la HAS).

 C’est dire que toutes les chaussures de type « crocks », « converse » et autres enveloppes de pied en tissu n’ont que très peu à voir avec le canon d’une bonne chaussure. Au moins l’orthèse plantaire pourra améliorer la stabilité du pied dans ces pseudos chaussures.

 

Conclusion

 « Tout compte fait, la semelle est le fruit d’une parfaite intelligence entre deux cliniciens : le médecin et l’orthésiste. » (2)

 

 

Bibliographie

(1) La symbolique du pied dans ses fonctions, J. Dubousset, Forum du Val de Grâce, 2012   (2) Le pied, Pathologie et techniques chirurgicales, J. P. Delagoutte et F. Bonnel, 1989   (3) Symposium sur le pied plat, Méary, 1969.   (4) Semelles orthopédiques chez l’enfant, C Thémar-Noël, Elsevier 27-050-A-15, 2002   (5) Pied plat valgus,  C Piat J Allain, Elsevier 27-060-A-10, 2001  (6) Evolution spontanée du pied plat statique de l’enfant, Taussig, Podologie 1997, Entretiens de Bichat   (7) Le pied plat valgus statique, Seringe, Podologie 1990, Entretiens de Bichat  (8) Répercussions du valgus sur l’équilibre pelvien, Noviel et Lavigne, Podologie 1990, Entretiens de Bichat   (9) Technique radiographique du pied, Chevrot, Université de Rennes, 1998  (10) Etude statistique 779 enfants en podologie, Corinne Ferrari, Podologie 1997, Entretiens de Bichat